La peinture de Tristan Bastit, vous n'aviez pas cherché
à la voir et c'est elle qui vous rencontre, vous faites sa
connaissance, elle vous devient familière, elle rentre dans
votre vie.
Comme par un raccourci saisissant, elle vous conduit vers une vision du
réel que vous n'imaginiez pas. Cette apparition, cette
épiphanie comme dit le peintre, dévoile
les puissances de la peinture. Avec elles son
créateur peut alors vous embarquer vers d'autres voyages.
T. B. cause dans le poste
Tristan Bastit et Jehan van Languenhoven étaient les invités de l'émission Transbords le 14 juin 2013 sur Radio libertaire
パリの芸術家 トリスタン・バスティ
par MURAKAMI Ryota
パリ19区にアトリエを構える画家のトリスタン・バスティ(Tristan Bastit)氏を訪ねた。バスティ氏はフランスでは巨匠に入る人だが、若い頃から中央画壇やアカデミズムには背を向け、独自の歩みを続けてきたと聞く。
ベルヴィルという地下鉄の駅を出ると、あたりはチャイニーズとベトナム人がたくさんいる街であることに気づく。アトリエは2階。初めて訪ねると、バスティ氏は一人昼食のパスタを食べていたところだった。だが、偉ぶるところはみじんもなく、快く迎え入れてくれた。写真で見ると威圧感があるのだが、会ってみると実に気さくな人だ。
棟の2階には2つの部屋があり、向かって左がバスティ氏の住まい、右がアトリエになっている。職住近接とはこのことだ。アトリエにはたくさんの油絵があり、映画で見る画家のアトリエそのものという感じだ。
「昔はもっと広いアトリエだったんだよ。区も15区でね。でも、年々家賃が高騰してだんだん狭くなってきた。だから、こうして絵の具のパレットに使っている台なんかも移動できるものなんだ。部屋を有効に使えるからね」
絵画は風景画や静物画のようでもあるが、形も色も原型がわからないくらいに抽象化され、変形している。その何かしかとわからない色と形を見るのは決して退屈ではない。そればかりか、いつまで見ても、真相がわからないためにかえって、いろんな想像をめぐらせることができる。しかも、極めて洗練されて、粋な絵画だと思う。
バスティ氏の絵画は抽象画に属する。1960年、ソルボンヌ大学文学部に通っていた頃、薫陶を受けた師がアンリ・ギューツ(Henri Goetz)だった。ピカソ、ミロ、カンディンスキーなどと交遊した抽象画家である。当初はギューツ氏から版画を勧められて制作したが、後に油絵に転じた。当時のパリはアカデミズム糞くらえ、ボザール糞くらえ、という時代だったそうだ。
「あの頃、世の中には多くのイデオロギーが跋扈していた。イズムがたくさんあった。あの頃何かと言えば、Il faut....と言っていた。「~しなければならない」と話す人がやたら多かったんだ。でも、<自分が・・・せよ>じゃなくて、常に何か義務的にしなければならないのは<君>とか<お前>なんだよ。こういう精神はごめんだった。」
その代わりに、バスティ氏は作家アルフレッド・ジャリが提唱した「コレージュ・ド・パタフィジック」という、反常識の世界観を重視する前衛芸術・文学集団のメンバーになった。
「僕の絵は現実をなぞらえたものじゃない。現実の中にある力が潜んでいて、その力が殻を破って出てきたものが僕の絵なんだ。」
そう言って、バスティ氏は自分を庭師にたとえた。庭師は種を撒く。しかし、芽を出し育つのは種の内部の力だ。それらの力を引き出しながら、自分の庭を作り上げていく。これがバスティ氏の仕事だという。その中には深層に潜む人間の欲望や不安、悪意を先取りして形にすることもあるだろう。だが、絵画だからいかなる印象も不安も、欲望も最終的に色と形に変換されて画布に出力される。その変換の過程で現実の事物と違うものになる。
70年代にアメリカを何度か旅してみたという。戦後、アメリカの文化がパリの文化をしのいで世界の頂点に立とうとしていた。しかし、アメリカに行ってみると、金儲けがすべての基本になっている社会に幻滅し、パリに骨を埋めることになった。
娘が一人、すでに巣立っている。テレビは10年前に捨てた。インターネットは使うし、ラジオも聞くがテレビは見ないという。テレビ広告は「消費順応主義」(conformism commercial)を煽っているというのだ。消費順応主義とは他人が買うから自分も買う。それが雪だるまのようになって100万人が買う、というような消費主義だという。テレビを見る代わりに人に会って話をしたり、食事をともにしたりする。
パリでは家賃は上がるし、画廊は消えつつある。それでも、バスティ氏のような芸術家はまだパリにはいるようだ。
La part d'infini
par Pierre Givodan

Telle est la question métaphysique que semble nous poser ce travail.
On sait combien il est difficile de dépasser certaines oppositions logiques, certaines contraintes ou catégories de la pensée.
Ainsi celle qui nous situe dans l'entre-deux, à l'intersection du réel et du possible.
A partir de là toutes les stratégies créatrices demeurent ouvertes.
Bastit a ainsi essayé d'investir cet écart en s'appuyant sur la peinture, la gravure, le numérique en s'efforçant de ne pas trop s'éloigner des archétypes et de l'inconscient afin de continuer à parler au plus grand nombre.
Partisan des jeux avec le langage plastique, il déploie donc des systèmes métaphoriques et une poésie des formes symboliques qui nous donne à penser combien l'homme est l'être de l'imagination et des rêves les plus fous. Sans nous faire oublier non plus qu'il ne faudrait pas prendre tout ce qui se laisse entendre et voir au pied de la lettre. L'humour étant au final la garantie d'une certaine liberté en art. et dans la vie.
À propos de Totos
Tristan Bastit devise avec Jehan van Languenhoven
Réalisation: Alain Leroy, Mai 2012
Les pouvoirs de la peinture
par Thieri Foulc

Tandis que les milieux supposés artistiques proclament ou organisent la « mort de la peinture », au profit d’autres formes, certes, Tristan Bastit se veut pleinement peintre, à la pointe des exigences de la peinture.
L’art est un engagement vital et même si Tristan Bastit ne raconte pas sa vie dans ses toiles, elle s’y trouve. Ses tableaux sont ses jours et ses nuits, le fil et les événements de sa vie.
Il est l’un des rares artistes de notre époque à ne s’être jamais laissé dévoyer par l’époque, ses soubresauts et ses anecdotes, afin d’aller au bout du propos : que peut la peinture ? que fait la peinture ? Elle peint, elle montre qu’elle peint et en même temps, comme elle ne se réduit pas à une simple démonstration de virtuosité décorative, elle montre autre chose. Quoi ? des objets ? des visages ? des paysages ? des événements ? Non, bien sûr, car elle ne se réduit pas non plus à de la description, même stylisée ou remplie d’ « âme » (horreur !). La peinture produit plutôt des possibilités, des potentialités, des incitations à voir. Elle travaille avec l’esprit du regardeur. Elle lui fournit des tremplins. Elle sait bien qu’elle agence des formes colorées sur le plan de la toile et, en même temps, elle sait que cet agencement ne saurait être ni gratuit ni inforrmatif, sinon il n’y aurait point d’enjeu, et pourquoi y donner sa vie ? Par ce travail d’agencement visible, le peintre engage sans cesse l’esprit dans une aventure, il lui fait exercer ses ressorts, il le fait s’exercer comme esprit.
Vous verrez des polyèdres plats lutter pour savoir s’ils resteront ou non dans le plan du tableau. Vous verrez des agrafes sceller un nu sur un divan. Vous verrez une balle vouloir former tête. Vous verrez des objets sans nom, car ils sont lignes, couleur, pâte peinte, vous convaincre de leur épaisseur. Vous verrez des faces de circonvolutions prêtes à vous parler. Vous ne saurez pas ce qui se passe. Vous aurez comme moi du mal à mettre des mots sur tout ce non-verbal et peut-être sentirez-vous que c’est heureux : vous commencerez alors à percevoir les pouvoir de la peinture.
Présentation de l'exposition Tristan Bastit
au Centre des Arts de Douarnenez - 2008
En quête du flou
Peintures récentes de Tristan Bastit
par Adrien Goetz

Graveur, il a entrepris depuis des années ce qu'il nomme une "quête du flou". Par le trait, il parvient à effacer l'image nette. Elle se forme pour le spectateur, qui accommode lui-même les planches de Bastit. Il parle de "Gravures Molles". Je me souviens d'une série faite à Douarnenez où il a mis à contribution toute une boîte de sardines : le fer-blanc, bien sûr, déchiqueté sur les rochers de la côte bretonne, mais les sardines elles-mêmes, galvanisées.
Quant à l'huile, elle lui aurait servi, disent ses amis, à peindre. Car Tristan Bastit est avant tout peintre - à ce qu'il affirme, et on le croit quand on regarde la vingtaine d'œuvres qu'il expose aujourd'hui à la galerie La Marraine du Sel. La démarche est la même. L'image qu'il trace sur le papier, en un premier jet transparent, est reprise durant des mois. Effacée, érodée, il n'en reste plus qu'un filigrane, qui atteste la validité de sa monnaie. Le travail de superposition des couches picturales vise à détruire, à recomposer, à masquer la première intuition. Elle se confirme du coup. Ce qu'il avait voulu dire et voulu gommer ensuite, s'affiche enfin.
Comme chez Bonnard, qu'il considère comme le père de l'écriture en peinture, les figures qu'il trace ne sont ni des cernes ni des limites : ce sont des être organiques qui se développent sur le papier selon l'énergie qui les habite. Ce qui compte pour Bastit, Epiphane, c'est l'épiphénomène, la dernière touche, la surface, épaisse de tout ce qu'elle dissimule.
Né le 13 janvier 1941, jour de la mort de James Joyce (si Joyce avait été Dalai Lama, Bastit serait Joyce), il reprend tous les dialectes à son compte, jusqu'aux langages informatiques. Régent de Mécanique esthétique au Collège de 'Pataphysique, titre dont beaucoup se sont parés indûment, et qu'il porte avec une légitime élégance, Bastit est également un pilier de l'Ouvroir de Peinture Potentielle (Oupeinpo), frère cadet pour la peinture de l'Ouvroir de Littérature Potentielle de Raymond Queneau et sa bande.
Bastit n'est pas pour autant un artiste intellectuel. Bien sûr, il se moque de ces "peintures incultes pour public inculte" que l'on vend parfois aujourd'hui. Sa culture ne l'empêche pas de divaguer. Bastit est d'abord un bon vivant, un joueur qui se fie au hasard, le bricoleur qui vous décortique une boîte de sardines pour en faire une œuvre, qui superpose au tout un torse de Vénus et se métamorphose en Dionysos amoureux déguisé en Vulcain.Son atelier, joyeux bric à brac, coulisses de cirque du côté des clowns, jubile de ses trouvailles. L'épiphanie, dans ses dernières peintures sur papier, c'est le jaillissement de la couleur, l'évidence éclatante, la présence réelle d'un artiste. Le Jour des Rois, le hasard produit des signes : Tristan Bastit a trouvé la fève.
BASTIT À LA BASTILLE
par Bruno Duval
TALUS n° 19-20 - décembre 2004On dit que le grand peintre ayant fait un ouvrage,
Des jugements d'autrui tirait cet avantage,
Que selon qu'il jugeait qu'ils étaient, vrais ou faux,
Docile à son profit, réformait les défaux.
Or, c'était le bon temps que la haine et l'envie,
Par crimes supposés n'attentaient à la vie;
Que le vrai du propos était cousin germain,
Et qu'un chacun parlait le coeur dedans la main...
Mathurin Régnier, Satyre XII (À M. Fréminet)
La curiosité l'emportant de justesse sur la timidité, j'ai abordé, dans les années quatre-vingt, un menhir à la fois jovial et taciturne au Marché de la poésie, où il tenait un stand regroupant plusieurs petits éditeurs régionaux, certains d'entre eux bretons. Je ne savais même pas alors - mais peut-être, à l'époque, ne tenais-je pas trop à le savoir - que ledit menhir venait d'ouvrir à la Bastille une librairie à l'enseigne de La Marraine du sel, lors de l'inauguration de laquelle des amis d'amis avaient assisté à une lecture de Maurice Fourré, que, vingt ans auparavant, m'avait fait découvrir une lecture exhaustive d'André Breton. Ignorant le nom du menhir, je ne me doutais pas alors que je reverrai bientôt, sous de nouvelles auspices fourréennes et bretonnes à la fois, Bastit à la Bastille. Quelques années plus tard, à la soirée de fermeture définitive de la librairie, qui « faisait » aussi galerie, je suis arrivé trop tard pour entendre une nouvelle lecture de Fourré: « Tristan, c'est attristant... » , déplorait, avec sa manie du calembour, l'Enchanteur Merlin (Claude), directeur de la troupe des récitants. On aurait cru assister à l'ultime dispersion des Chevaliers de la Table ronde, traditionnellement entendue, dans les manuels de littérature, comme Matière de Bretagne. Que m'importait alors que le patron de l'officine maniât, à ses moments perdus, le « pinceau d'Ingres », selon l'expression que Fourré lui-même appliqua jadis à son introductrice dans les Temps modernes, l'écrivain Colette Audry : dans les fringantes années quatre-vingt, la Bastille toute entière n'était qu'un énorme pinceau dingue, dont, d'année en année, tout un chacun se disputait le Génie.
Les tendances passent, les valeurs restent, telle est la loi du seul marché de
l'art qui tienne, celui... des poètes. Si l'art, selon Duchamp, « vient d'un
mot sanscrit qui signifie faire », la poésie vient d'un mot grec qui signifie
créer, ou mieux re-créer. Qu'importent les tendances du cours quand l'heure
de la récréation a sonné. D'ailleurs, comme l'a fait Duchamp, affoler la meute
avec des objets de consommation courante pour ne pas avoir à livrer aux chiens
la clef de son propre mystère n'est pas précisément poser au faiseur.
Avant tous les retours pathétiques de l'art dit vrai à la figuration, c'est-à-dire à la
fiction, Bastit a subi l'influence de l'imaginaire contemporain le plus factice : ciné, télé, bédé. Mais ces nouveaux vecteurs de mythologies aliénées, sinon
totalement aliénantes, n'avaient-ils pas eux-mêmes, pour atteindre le coeur
des masses, subi l'influence de la Fable, c'est-à-dire du monde ? Mundus est
fabula, disait Descartes. Entre l'un et l'autre, le seul point de convergence
objective réside, selon Bastit, dans la notion jungienne d'archétype. À l'opposé de
ceux qui, des deux côtés de l'Atlantique, se contentent depuis des lustres
de reproduire l'image des comics pour en tirer des effets plus ou moins comiques,
Tristan l'ingurgite pour en extraire l'archétype d'une vision fabuleuse, qu'il
bâtit de toutes pièces, comme un Rose-Hôtel. Du point de vue de la clientèle,
l'avantage d'un tel discours, c'est qu'au même titre de toute servilité à l'égard
de l'icône médiatiquement révérée, toute condescendance culturelle envers la « mythologie
populaire » est abolie. Comme re-création artificielle qui garde encore, en
profondeur, son mot à dire
sur le monde, la peinture en ressort grandie.
Elle en avait besoin.
L'univers hanté de Tristan Bastit
par André DEPRAZ

( Le Dauphiné Libéré. - 10 janvier 1997 )
VESTIBULE
par Thieri Foulc

Avec Tristan Bastit on entre dans la peinture. La porte s'entrouvre ou plutôt on s'avise qu'elle avait toujours été ouverte, sans qu'on sache comment. Non, certes, qu'il nous resserve l'artifice de la fenêtre ouvrant sur un monde, la perspective, l'espace, toute l'illusion du réel et du surréel. Il ouvre, lui, sur la peinture en train de révéler ses pouvoirs. Les images ne sont pas seulement peintes. Elles sont feintes, ou mieux : feignantes. De la toile où elles reposent elles se lèvent pour feindre - fingere - pour former dans la cervelle active du visiteur des impressions, des fantômes, des semblances & ressemblances de choses qu'il veut, qu'il va bientôt toucher, qui sont là, de l'autre côté de la porte.
L'un des plus beaux tableaux de Tristan Bastit s'intitule "L'appât et le refus". Je m'apprêtais à décrire ce que ces formes, rythmes, zones, ponctuations, zébrages, vitesses, éclairages, couleurs qui se chevauchent, s'appellent & s'opposent tissent ensemble, à déchiffrer pour vous ce que mon usine à images se complaît à y lire de sensuel & d'enfoui, à déterminer comment cet appât vous happe. Mais je n'ai pu. Car il y a aussi le refus. Le tableau reste tableau, pour continuer happer.
Finalement, si la porte est ouverte, c'est aussi que Tristan Bastit n'est pas homme à vous enfermer dans sa peinture, ni à s'y enfermer lui-même. Quand je l'ai connu il ouvrait un atelier : ce fut Sauve-qui-peut.
A la fin de ce livre il vous (se) ménagera bien une sortie de secours.
(Préface à Sept Peintures, 1988)