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Archine
Huile sur toile,2015. 130x110 cm
Prix -
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Rias Baixas
Acrylique sur toile, 2015. 134x88 cm
Prix -
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Naître & ne pas naître
Huile sur toile,2015. 89x116 cm
Prix -
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Le Resauteur
Acrylique sur toile, 2015. 100x73 cm
Prix -
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Plusieurs
Huile sur toile, 2015. 100x81 cm
Prix -
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Les Aveugles
Acrylique sur toile, 2015. 130x195 cm
Prix -
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Feintise
Acrylique sur toile, 2014.
Prix -
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sans titre
Acrylique sur toile, 2015.
Prix
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Tristan Bastit, Peintre Patasubversif
Tristan Bastit naît le 13 janvier 1941. Ce même jour, James Joyce meurt. À l’époque sévit un certain Adof Hitler, un peintre raté qui « travaille du pinceau », comme le chante Georgius en 1939. Puisque cette chanson ne passe pas à la radio sous l’occupation, le petit Tristan ne l’entend pas et ça ne le dégoûte pas de la peinture. D’autant moins que sa mère lui donne les pinceaux de son père pour le calmer quand il n’arrive pas à s’endormir. Voilà pourquoi, alors qu’un Breton aspire souvent à une carrière d’amiral ou d’archevêque, le Clinamen l’a dévié vers la peinture.
Au cours d’une enfance nomade, il acquiert une solide instruction, puis il est admis à l’École des Beaux-Arts en 1960. Mais il y reste un seul automne. Sur un air de java, il fuit par la fenêtre la vénérable institution, trop conformiste, pour aller vivre librement l’aventure de la peinture. Il préfère de loin fréquenter l’académie du peintre Henri Goetz (1909-1989, un véritable trait d’union entre le surréalisme et l’art abstrait) et faire sien l’enseignement décapant du Collège de ’Pataphysique, créé en 1948 par Emmanuel Peillet (Latis), son prof de philo à Louis-le-Grand – après avoir découvert les publications du Collège chez les libraires, il publie son premier article dans les Dossiers du Collège en haha 90 (octobre 1962).
Se vautrant sans vergogne dans le pire modernisme de l'époque, il rencontre des artistes sulfureux comme Hartung, Picasso, Boni, Ernst, et d’autres. De 1961 à 1964, il va jusqu’à passer ses étés avec les artistes attirés par Vallauris et l’ombre de Picasso. À Paris, il fréquente la fac de Lettres, il lit Alfred Jarry, Maurice Fourré, Boris Vian, Raymond Queneau – ses lectures excentriques l’encouragent à violenter insidieusement la peinture - peinte –, il s’initie à la gravure dans l'atelier de Johnny Friedlander, et il hante assidûment les librairies d'Éric Losfeld et du Minotaure pour s’y procurer la littérature malsaine qu’il affectionne.
À partir de 1970, son exhibitionnisme ne connaît plus de limites : il expose régulièrement au salon « Réalités nouvelles », s’infiltre dans les galeries, expose en France, en Italie, en Allemagne, au Canada… Démontrant ses mauvais penchants – il ne peut pas se contenter de peindre, comme tout le monde –, il crée l’atelier de gravure Sauve-qui-peut, ouvert à tous, pour renouveler et réoxygéner la gravure. Il y rencontre Thieri Foulc grâce à Latis. Mais, Dieu merci, une opération immobilière intempestive l’oblige à fermer l'atelier.
Pourtant, rien ne l’arrête. Il s’isole avec quelques proches pour peindre dans une vieille menuiserie. Il a la bougeotte, il voyage, il séjourne en Italie, au Nouveau Monde. Il lit Jung. Par la suite, malgré son air tranquille, Tristan Bastit se révèle un théoricien. Et il est insatiable : non seulement iI peint, grave et expose, mais en plus, en 1985, il intègre la bande terroriste de l’Oupeinpo (Ouvroir de peinture potentielle) pour réfléchir aux besoins d’une peinture en quête de solidité conceptuelle et de rigueur formelle.
Parallèlement, depuis 1987, il retourne chaque année dans son atelier d’été de Douarnenez, où la mer d’Iroise, le travail des vagues, la ville d’Ys engloutie et les sardines en boîte nourrissent son inspiration. La mer l’incite à méditer sur sa peinture “figurante” : tout en se refusant à la re-présentation, elle s’avère une peinture de “présentation” – c’est-à-dire de manifestation du présent.
À Paris, il dirige la librairie-galerie La Marraine du Sel, créée en 1987, il publie des livres comme Toto à la rhétorique (2001), Ubu abuze ou la Kantat’ à Toto (2005) aux éditions Du sel et du Couëdic Réunis, fondées en 1993, et s’investit dans les technologies modernes. En 1991, il se lance à corps perdu dans l’univers informatique. Il réalise des infographies (des créations numériques imprimées sur papier) ; il joue avec les symboles et les pixels pour produire un port-folio numérique, En pirogue sur le fleuve pixel, accompagné d'un texte à apparitions aléatoires de Thieri Foulc ; et dans Les évanouissements de L. V. Van Gogh, il manie avec une habileté diabolique les modes booléens de transparence, en superposant les couches en fonction des consonnes et des voyelles du nom de la personne dont on prétend faire apparaître le portrait. Ayant créé ainsi un procédé plastique qui s’apparente aux 100 000 milliards de poèmes de Raymond Queneau, il est nommé Régent de Mécanique esthétique en 2000.
En 1994, il s’installe à Belleville pour « profiter de la richesse pluriethnique de l’environnement » – traduisez pour mater les jolies petites Chinoises du quartier. La Désoccultation du Collège, en 2000, l’entraîne dans un tourbillon de sociabilité – participation aux activités publiques du Collège, création de l'association tAlus et de son bulletin. La ’Pataphysique est le substrat de son œuvre – ses peintures sont autant de solutions imaginaires, « un univers que l’on peut voir et peut-être que l’on doit voir à la place du traditionnel » (Faustroll). Tristan Bastit est un scripteur, un facteur d’épiphanies.
En 2005, la publication collective de L’Oupeinpo, Du potentiel dans l’art (au Seuil) lui fournit l’occasion de diffuser largement, pour pervertir la jeunesse, un certain nombre de ses théories et de ses pratiques pernicieuses : le déconfinement thermodynamique, les Évanouissements de L. V. Van Gogh, les déchirements, la peinture aux amas d’énergie, la révélation du Message caché, la Rhétorique à Toto, les gravures molles cosmologiques… En 2008, il n’hésite pas à braver la fondation Brigitte Bardot en se livrant à des actes de barbarie dans ses Simiestitions qui impriment des faces de singes à des visages ou à des corps humains, le tout accompagné de texticules d’Alain Mignien.
En quête de mauvaises fréquentations, Tristan Bastit s’est aussi mis à frayer avec la pathétique bande du Bougainville, un ensemble de déviants alcooliques, surréalistes, anarchistes, pataphysiciens, voire pansémioticiens… Et début 2009, il entreprend une publication périodique, « …et sept peintures » : des oeuvres graphiques à l'usage des amateurs. Promu Provéditeur Diaphaniste du Collège de ’Pataphysique en 2007, reconnu dans le monde entier comme un Totologue émérite, Tristan Bastit est toutefois resté un homme honnête. La preuve, il n’a pas la télévision.
Pascal Varejka
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